Je me souviens j'arrivais souvent sur le quai de la 12 en marchant trop vite.
Je manquais de buter sur les gens qui prenaient place alors j'essayais de pas trop les bousculer. Je finissais par trouver un endroit où on me laissait tranquille et en levant les yeux j'apercevais parfois un jeune homme mince, la canne à la main.
Il était là, immobile, sans dire un mot. Il attendait calmement la tête droite et je crois que j'avais jamais vu quelqu'un d'aussi noble et apaisé. Pas de téléphone, pas de livre, pas d'écouteurs, rien. Juste quelqu'un attendant simplement une rame de métro dans le noir, en inscrivant des sons dans sa mémoire.
Il ressemblait à n'importe quel autre jeune homme, sauf qu'il était seul avec une canne et je pouvais pas m'empêcher de penser que c'était dégueulasse. C'était dégueulasse de pas pouvoir savoir qui est là en face de toi, à te parler, te sourire, te regarder en silence ou bien verser une larme. C'était dégueulasse de pas pouvoir saisir un instant, croiser un regard ou le frétillement d'une fille intimidée. C'était dégueulasse de pas pouvoir connaître le visage des personnes qu'on aime, ou qu'on aurait pu aimer.
Je sais pas comment il faisait. Moi j'aurais pas supporté, je serais pas resté immobile sur ce quai.
Quand on sortait à Montparnasse je marchais souvent devant lui et je faisais exprès de claquer mes talons pour qu'il entende mieux par où aller. J'attendais qu'il ait traversé la rue puis je me cassais. C'était ma façon de l'aider.
Je ne lui ai jamais rien dit, j'aurais pas su quoi dire et puis à quoi bon parler.
Je ne lui ai jamais rien dit, mais j'aurais aimé qu'il sache combien je l'admirais.
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