16 mars 2011

CASPIAN

Amélie empestait la vodka à 3 kilomètres. Elle avait cette odeur qu’ont les fleurs fanées les lendemains de cuite trop arrosée. Ce vague relent de consommé. Amélie se tenait fièrement contre le rebord de l’évier, la tête trop lourde pour supporter quoi que ce soit d’autre. L’esprit trop débordé. Le regard vers le sol sans aucun moyen de le lever. La vue entrecoupée par des visions qu’elle avait envie d’oublier.
Sa voix saccadée, ses réflexes annihilés par le reflet de sa propre médiocrité, les reins cassés. Amélie se tenait, enfin essayait. Moi j’étais un peu fait, comme tout le monde en fait. J’aurais tout fait pour me l’envoyer. Attiré par la chair fraîche, bien que rance par certains côtés.
J’ai fini par lui parler, bien que ça n’avait pas l’air de l’emballer. Entre deux crevards et trois whisky coke on a fini par discuter. Elle gardait la tête baissée, les doigts crispés, les bras croisés. Je regardais sa poitrine se soulever, ses hanches se déhancher, ses formes se dessiner. Elle attendait qu’une chose, que tout ça cesse, au plus vite, qu’elle puisse s’échapper. Quitter ce plan foireux, ce mec sans intérêt, cet appart un peu crade où tout le monde semblait prisonnier.

Elle faisait un peu peur en mode destroy avancé. Mais on était à une heure avancée, celle où on a envie de sortir de son uniforme trop étriqué, de se taper la terre entière s’il le fallait. J’aurais voulu la prendre dans mes bras mais elle restait prostrée.
« Vas-y dégage » qu’elle a fait, sans même me regarder. A l’arrière tout semblait s’être arrêté, la pièce était moite, l’atmosphère lourde, le reste, oublié. Je me sentais écrasé. J’aurais tout fait pour effacer, recommencer. Tout envoyer chier.

Elle s’est levée, m’a regardé droit dans les yeux puis s’est mise à gerber à mes pieds.
J’ai compris que jamais ça n’arriverait.

Je suis parti dans les chiottes me branler.

10 mars 2011

8 mars 2011

EUPHRASIA

Y’a des moments je ressens comme un grand vide, je sais pas, je me demande ce que je fous là, à quoi ça sert, pourquoi. A glander par ci, à se bourrer la tronche par là, à vivre sa petite vie banale sans savoir pourquoi. Sans passion, sans but, sans choix, sans foi ni loi. Je sais pas, j’ai l’impression d’être transparent, inaudible, d’être là sans y être quoi.
Ici et ailleurs. Un fantôme sans faire peur.
Doit bien y avoir des gens pour qui je compte mais je ne les vois pas, je sais pas.

Parfois, je me dis que j’aurais pas existé ça aurait été pareil.
Ouais, j’aurais pas existé que ça aurait été pareil.

1 mars 2011

LI

La petite chinoise du boulot avait les yeux amandes et une voix aussi douce qu’on puisse avoir. Un accent encore marqué qui lui faisait mâcher les maux. Et une gentillesse que c’était pas possible que ça puisse exister. Toi, t’es pas d’ici. Elle mangeait délicatement son plat à la cantine tout en ne manquant pas de me lancer quelques oeillades furtives, que j’aurais pu interpréter d’une certaine façon si elle n’avait pas fait pareil avec tout le monde.
Son visage était comme celui de n’importe quelle chinoise, pas plus beau, mais elle avait cette façon de vous croire intéressant quand elle vous parlait qui la rendait tout à fait agréable. Cet esprit tellement pas occidental, cette accessibilité totale, et cet espoir naïf qui nous fait tous défaut.

La chinoise était gentille, trop, ce trop qui faisait que chaque gars pensait qu’il pouvait se la taper s’il voulait. Le seul inconvénient c’était qu’elle avait sur le visage quelques taches, et un peu de moustache, alors, généralement, ça fait chier.

Beautiful stranger, take me by the hand...