29 octobre 2010

PAS DE PITIE POUR LES CROISSANTS


« Mais oui faut leur donner la trique à tes recruteurs, faut les faire bander, faut pas s’excuser d’avoir eu un entretien. Ça fait quoi ? Un an et demi que tu végètes, faut être actif de sa vie, faut réagir, faut avoir envie, se bouger le cul ».

Merci mon coloc tu me rassures beaucoup, après le « vous ne vous en rendez pas compte mais vous n’arrêtez pas de vous dévaloriser, de vous mettre en retrait quand vous racontez votre parcourt » suivi du « vous êtes plein de doutes et nous on a besoin de gens sûrs d’eux, de gens qui savent motiver et fédérer une équipe » de ce matin, je crois que j’ai eu ma dose pour aujourd’hui.

Merci les p'tits gars de P&G. Loser toi-même ouais…

27 octobre 2010

PCR


« Oublie-moi. Oublie-moi maintenant »

Je rigole. Je rigole au fond de moi parce que pour une fois je pourrais balancer ça si je le voulais. Comme ça, brutalement, sans réfléchir, sans prévenir. Juste pour le geste. Juste parce que c’est possible. C’est con, mais c’est comme ça. Ça s’appelle de la méchanceté gratuite je crois, enfin pour moi une certaine vision du luxe.

Le concept de « fuck friend » a ceci de bon qu’il nous offre à nous, hommes primitifs de base généralement dénués de toute notion de sentiment, notre lot de baise à la demande. C’est donc un concept plaisant, du moment qu’on ne ressent rien qu’une légère attirance. Le hic étant que l’autre personne impliquée dans le deal puisse ne pas concevoir les choses de la même façon ; déjà que ça fait le forcing pour s’embrasser en public et que ça demande mon avis sur sa marque de serviettes hygiéniques, moi qui ai toujours pensé que tout ça c’était surtout quelques minutes de plaisir pour plusieurs jours d’emmerdes, je sens que ça va mal finir cette histoire…

Quoi qu’il en soit mine de rien ça commence quand même à me faire un peu « prendre la confiance », oh pas grand-chose, trois fois rien, mais peut être le petit truc qui fait la différence. Je sais pas, je me sens succesful ces temps-ci, j’ai d’autres pistes en cours, je regarde les filles droit dans les yeux, je soutiens leur regard, je les fixe sans avoir l’impression de les fixer comme si « je sortais de prison après 20 ans de réclusion ».
Je crois même que je me fais régulièrement mater. Ou bien c’est moi qui m’enflamme. Enfin je me sens plutôt bien quoi, je profite tout simplement d’un de ces rares moments où ma vie me semble tout à fait délectable.

Sinon à part ça j’ai toujours pas trouvé de job et j’ai troqué mon Dell Inspiron 6000 contre un Vostro 3300.

24 octobre 2010

HISTOIRE

J’écris des choses vraies et des choses fictives dans ce blog, des trucs réels et d’autres qui le sont moins. Pourtant j’ai comme la vague impression que les choses fictives finissent invariablement par se réaliser. Je ne vous dirais pas quoi, mais c’est quand même assez déroutant de voir que certains trucs se révèlent être prémonitoires.
Je sais pas, je devrais peut être écrire que je suis beau, intelligent, et que je réussis tout ce que j’entreprends.

On sait jamais, histoire que…

21 octobre 2010

"Quand j'ai vu Marguerite, j'me suis dit quel prénom étrange,
Pis c'est pas vraiment la saison à faire l'amour dans les champs.
Moi mon cœur est chrysanthème et mon âme est triste.
Quand j'ai vu Marguerite, Marguerite m'a dit « t'approche pas trop de moi ».
Moi j'ai pas écouté tu vois, et j'suis là comme un con à effeuiller les pétales de Tulipe, de Camélia, de Rose et puis de Lilas.
Quand j'ai vu Marguerite j'me suis dit elle sort d'où celle-là puis c'est quoi c'prénom à la con sorti du fond d'un autre temps, et puis moi j'aime pas bien les fleurs et puis j'aime pas ce qui sent bon.
J'préfère les pétards aux pétales et un peu la boisson.

Marguerite c'est mes coups d'jus, c'est mes coups d'foudre, c'est mes coups de blues, c'est pas vraiment un bon coup mais c'est dans l'mille à tous les coups.
C'est comme un parfum de nocturne qui aurait l'goût des levers du jour, parce qu'elle elle dit jamais « je t'aime », parce que sans équivoque aucune, la liberté au bout des doigts, entre le marteau et l'enclume, c'est la luciole au fond des nuits, c'est comme rouler sans le permis.

Quand j'ai vu Marguerite, ça m'a fait comme un bras d'honneur, l'insoumission qui dit « je n'ai ni Dieu ni Maître ni qui que ce soit », comme un doigt levé bien haut à tous les dieux, tous les suppôts, c'est l'solidaire des travailleurs pis c'est la liberté du cœur.
Quand on va pointer à sa porte, sûr qu'on est tous un peu chômeur, et moi qui suis là comme un con à effeuiller les pétales de Tulipe, de Camélia, de Rose et puis de Lilas.
Marguerite elle est belle comme un accident de bagnole, comme un poids lourd qui a plus les freins, Marguerite elle est folle et c'est vrai que moi j'aime bien quand elle fait voler les assiettes, quand elle me fait péter les plombs, qu'elle dit qu'elle aime pas mes chansons.

Marguerite c'est mes coups d'jus, c'est mes coups d'foudre, c'est mes coups d'blues, c'est pas vraiment un bon coup mais c'est dans l'mille à tous les coups. C'est la luciole au fond des nuits, oui sur la joue, sûr c'est la pluie, Marguerite c'est mes nuits noires, c'est mes nuits rouges, c'est mes nuits blanches.
C'est comme un train, oui, qui s'égare mais qui s'arrête pas dans les gares.
C'est la luciole au fond des nuits, c'est comme rouler sans le permis.

Marguerite c'est pas la bonne mais putain qu'elle est bonne ! Presque aussi bonne que Marie, en un peu moins putain aussi.
J'en ferais bien ma religion, j'en ferais bien mon horizon, c'est sûr que j'peux mourir demain, tant qu'elle m'habite entre ses reins.

Elle est comme un bateau d'pirates, comme un chien qui a mal à la patte.
Marguerite elle a l'goût d'la mer, elle a la fraîcheur des rivières, elle a l'ivresse de la vodka, la folie de la tequila, elle est un peu Mexicaine, un peu Française aussi.
Elle est tout c'qu'on veut qu'elle soit, tous les possibles au bout des doigts.
Elle t'emmène d'l'autre côté d'la Terre juste quand elle ouvre les paupières."

Saez

17 octobre 2010

LAST EXIT

J’avais oublié. J’avais oublié qui j’étais. Je m’étais fondu dans l’optimisme ambiant sans même l’imaginer. J’avais même pris la fierté. Sans déconner. J’étais satisfait.
Et puis un matin d'Octobre je me suis réveillé.

Me erreurs, mes errances, mes insuffisances, quelqu’un était là pour me les rappeler. Lentement, calmement, sans pitié, il les a déroulées. J’aurais préféré qu’il m’envoie un bon uppercut dans la gueule, j’aurais eu moins mal.
Depuis je suis bloqué, bloqué dans mes pensées, perdu dans ma perplexité. Noyé. Sans vouloir être sauvé.
J’avais oublié.

Je suis là, allongé sur le lit de ma chambre, ou le long d’un canap à moitié défoncé, et je ne fais rien, rien que penser, que penser à rien. Ou regarder, le jour passer, défiler, s’effiler. Sans s'arrêter.
Tout semble immobile, silencieux, comme mort. J’investis des endroits vides, des recoins perdus, des lieux abandonnés, et je semble disparaître peu à peu avec eux.
L’envie, l’action, est ailleurs. Ici ne règne qu’ennui et passivité.

J’avais tout bien fait, fait comme il fallait, comme on m’avait dit qu’il fallait, mieux même. Pourtant j’ai merdé, j’avais pas prévu, j’étais pas préparé.
Incapable de faire face à l’imprévu, je suis paralysé. J’ai peur, je chie dans mon froc, je suis pétrifié. J’ai peur de mon avenir avant même qu’il puisse arriver.
J’ai peur comme quelqu’un qui a peur de tout gâcher.

13 octobre 2010

PROMOTION CANAP

"Je tiens à préciser quelquechose, en fait comment avez vous eu mon CV?"
- Par l'intermédiaire de Nathalie la Directrice du Développement, pas de soucis pour ça, ou plus exactement sa fille si j'ai bien compris...

Et là j'ai senti un regard qui se pausait sur moi, un regard en coin, un regard narquois, un regard qui semblait se demander : "Est-ce qu'il la baise?"

Dans un sens, oui.

11 octobre 2010

UN JOUR

"Un jour, il faudra pardonner à nos parents de nous avoir fait tels que nous sommes."

On n’aime jamais vraiment ce qu’on est, ou rarement. Trop bon, trop fort, trop grand, trop laid, trop mince, j’en passe et des meilleures.

Moi, je crois que je manque cruellement d’imagination, ou que j’en manquais. Alors pour compenser j’ai fait des études. Bête et discipliné. Pauser d’entrée la stature, la légitimité, ne pas avoir à se justifier. Travailler, c’est encore le seul moyen que j’avais trouvé pour palier mon manque de personnalité. Enfin je croyais. Pas comme tous ces types qui n’y connaissent rien mais qui ont un culot et une audace telle qu’ils seraient capables de se faire passer pour un énarque devant notre président de la république de mes deux.

Le charisme, la séduction, l’attirance, ce jeu de dupe quoi, cette comédie de la vie à la puissance inimaginable. Cette façon de dire fuck à tous ces geeks et de montrer que le talent, la réussite, ne s’acquiert pas forcément en bossant comme un taré mais ayant naturellement ce petit truc, cette petite étincelle que les autres n’ont pas. Sans quoi, comment un modeste immigré autrichien aurait il pu devenir gouverneur de Californie ?

Y’a pas à dire, même aujourd’hui, c’est tous les jours Bel-Ami.

8 octobre 2010

Baiser, ça peut faire mal, surtout avec un vampire

2 octobre 2010

A OUBLIER

Tiens je viens de retrouver une de mes premières nouvelles, à l'époque j'étais assez jeune et encore plus naïf mais au moins avec un post comme celui-ci je suis tranquille pour un bon bout de temps...

1

L'année prochaine, c’est demain. Entre amis, ambiance calme, on se fait la soirée du nouvel an dans une baraque de parent assez spartiate mais on vient pas là non plus pour le décor. Juste pour enquiller, ou chopper à l’occasion. Là depuis un moment c’est plutôt enquiller, des mois que c’est le désert, on s’habitue et on enquille puisque que y’a que ça à foutre. Et puis le désert ça commence à être pas si mal que ça : je bois à ma convenance, je fais ce que je veux, pas une connasse pour me faire chier avec des réprimandes à la con. Si j’ai envie de me détruire c’est moi que ça regarde. Tiens d’ailleurs je suis pas tout seul puisque mon pote Mathias s’y est mis aussi. Elancé, plutôt brun, cheveux très courts, habillement commun. Mathias c’est le gars commun par excellence : taille moyenne, intelligence moyenne, classe moyenne, ni sérieux ni branleur, ni gros ni petit, ni beau ni laid, d’humeur conciliante du moment qu’on le cherche pas, un peu d’humour, pas mal de timidité. Le gars qui tape pas dans l’œil, qui sort pas du lot et avec lequel tu te tapes pas forcément des barres de rire mais qui ira pas t’emmerder. Le gars sympa quoi. Ben Mathias il est là, pas très loin de moi sur la terrasse de la piaule, faut dire que j’en mène pas large à ce moment là, et puis tout d’un coup le gars il se met à sortir une galette monumentale. Tout le repas y passe, de l’entrée jusqu’au dessert. Ça me fait bien marrer jusqu’au moment où c’est mon tour de tout lâcher. Du costaud, j’en ai les larmes aux yeux. Mais bon du coup je vais mieux, mon pote aussi reprend des couleurs.
« On se fait un ptit rhum pour fêter ça ?
- Non merci gars, me répond-t-il et il sort une cigarette.
- T’en veux une ?
- Pourquoi pas. » Je fume pas. J’avais déjà essayé plus jeune mais je trouvais ça trop dégueulasse, mais là j’ai envie.

« Merci ». Je l’allume et manque de m’étouffer mais me reprend sur la deuxième taf. A la troisième les effets commencent à se faire sentir. Je me sens plus détendu. Je me retourne, me regarde dans une des vitres, et trouve que la clope ne me va pas si mal. J’ai la tête et le style pour ça. Je devrais peut être m’y mettre finalement.

« Alors ça y est tu t’y mets ? je demande.
- A quoi ?
- A ça... » Et là je lui désigne bien distinctement son dégueuli.
« Comme tu peux voir.
- Oui je vois. Et puis après tout t’as bien raison c’est quand même bon de se retourner la tête de temps en temps. Ça remet les idées en place.
- Et puis à défaut de chopper… Ca m’a suffit je suis passé aux choses sérieuses.
- Ouais mec. »

Je finis ma clope et m’engouffre à l’intérieur. Heureusement qu’on habite pas loin d’ici tous les deux. On pourra rentrer à pied tout seuls comme des grands et se réveiller le lendemain comme si de rien n’était.
A l’intérieur les autres glandus continuent toujours à s’amuser. Je les rejoins sans grande conviction. Une amie vient vers moi :
« Ouah c’est super on a changé d’année !
- Ah ouais super trop bien » je dis.

Une année de plus. Une putain d’année de plus.

2

Ça y est, c’est le moment de repartir. Après 2 semaines de vacances plus ou moins chiantes, pas mécontent de rentrer chez moi. Mes valises sont déjà prêtes 2 heures à l’avance, au grand dam de mes parents. Eh ouais faut bien repartir. Et comme disait quelqu’un dont je me rappelle plus le nom : « Partir, c’est revenir un peu ». Quel proverbe à la con. Le truc qui veut rien dire en somme. Enfin passons.
La veille encore j’ai passé la soirée avec mes amis. Un petit groupe d’une dizaine de personnes. Bien entendu on aurait pu s’attendre à ce qu’il y ait un couple ou 2, ben c’était le cas effectivement y’en avait 2. Pas les plus beaux mais 2 quand même. Formés il y longtemps déjà, trop longtemps. 2 vieux couples en somme. Comme quoi les amis de longue date qui tombent amoureux subitement c’est bien bidon tout ça. Soit on a le feeling, soit on l’a pas. Quoi qu’il en soit on s’était rassemblé pour discuter un peu. Dans les soirées on fait toujours tout, sauf discuter. On « fait la conversation » comme des ringards. On bla-blate quoi.
On était donc tous là, la garde rapprochée. On savourait ce moment qui était habituel auparavant mais qui s’était raréfié avec le temps vu que chacun s’était barré à droite à gauche pour poursuivre ses études. Certes tous n’étaient pas encore partis de chez eux, mais beaucoup d’autres comme moi étaient des exilés de longue date.
On s’était plus ou moins connu au lycée, on s’était rapproché au fil du temps et on avait semble t il tous ressentis la nécessité de pas couper les ponts. On savait inconsciemment qu’on avait eu la chance de se trouver donc on voulait en quelque sorte préserver ce lien. Dans le groupe 2,3 potes m’étaient particulièrement proches. Marc en était l’un d’entre eux.
Un gars avec lequel on pourrait pas l’expliquer mais on était sur la même longueur d’onde. La même vision des choses. Le même humour. La même sensibilité. Le même constat froid sur le monde et les relations humaines en particulier. Un des gars sur lesquels on peut compter.
Soudain au cours de la soirée il me prend à part :
« Eh faut qu’on cause.
- Ça va pas ?
- (silence) Je me suis encore pris la tête avec mes parents. Un truc à la con. Je les supporte plus. Toujours derrière mon dos : quand je sors, où je vais, qui je vois, si je baise, ou pas. Je vais me tirer et prendre un appart en ville. Seul, pénard. Ça leur fera les pieds.
Putain pourquoi j’suis fils unique ? J’en ai ras le cul de vivre avec 2 croutons qui se font la gueule tout le temps. Qui se parlent plus, qui s’aiment plus (je me demande même s’ils se sont jamais aimé), et qui font semblant de. J’aimerais bien voir comment ils se démerderont quand je serai plus là.
Demain je me barre de chez moi. Pas possible de faire autrement.
- Ouais je crois que ça vaut mieux pour toi » je dis, sans conviction.
- Oh et puis merde !

Marc se tût quelques instant, comme pour tenter de rassembler ses esprits et se calmer un peu. Il avait l’air hagard, le regard fuyant. Celui qui se perd au loin sans qu’on sache où il peut bien se poser. Il souffla un bon coup puis sortit de sa torpeur.

« Dit moi, des fois t’as pas l’impression de vivre dans un monde à la con ? T’es jamais satisfait de rien. Quoi que tu fasses, ça te fait chier, où que tu sois, t’es bien nulle part. Tu peux faire confiance à personne. Si t’es trop sympa, on te méprise, si tu l’es pas assez, tu te retrouves tout seul.
- Pour moi la plupart des gens sont cyniques et individualistes. Faut vraiment les connaître depuis longtemps pour savoir qui ils sont réellement. On en est tous là.
- Plus le temps passe et plus j’ai l’impression que rien n’a de sens. Putain on sert à quoi après tout ? On est là, ici, à cet endroit, à ce moment là, on fait des trucs, on les fait pas, on dort, on bouffe, on bosse, on baise, on chie. Qu’est-ce que ça change ?
- … »

Marc semblait passablement tendu et pour une fois j’ai écourté la conversation ; de plus il commençait à se faire tard et j’étais crevé. J’aurai tout le loisir de méditer sur le sujet une autre fois. Avec la fatigue, il arrivait forcément un moment où on sortait des conneries qu’on regrettait avoir dites le lendemain ou qu’on avait tout simplement oubliées.
A vrai dire, certaines de nos conversations pouvaient s’avérer stériles mais au moins elles avaient le mérite d'exister, et même de nous faire réfléchir, ce qui arrivait pas tous les jours.

Une fois revenu dans mon école de m****, le festival d’enfoirés et de conneries en tout genre pourrait reprendre son lot quotidien. Quoi de plus naturel en somme.

3

A peine arrivé, Jon m’appelle déjà sur mon portable :
« Ce soir des gars de l’école proposent qu’on se rejoigne dans un bar. Si ça t’intéresse…
- Ouais je vais passer je pense… »

Eh oui que ça m'interesse. Rien de prévu ce soir. C’est toujours mieux que de passer la soirée à se branler devant une émission télé pour beaufs made in TF1.
Après un repas sommairement ingurgité, j’enfile tee-shirt Paul Smith, jean Diesel, veste The Kooples, Converses et mes chères Wayfarer. En me regardant dans le miroir, je suis plutôt satisfait de moi, j’ai l’impression d’avoir la classe, je me sens presque le gars le plus cool du monde, enfin presque.
Je me suis pris une Audi TTS, pratique l’été. Et puis ça montre que j’ai certains moyens. Très important ça.
Après avoir tourné pendant 20 minutes dans le quartier, j’arrive enfin à trouver une place qui craigne pas trop. Damned je suis par contre obligé de me taper 5 minutes à pied. J’entre donc passablement deg dans le bar. Un pub anglais classique : mobilier en bois, barman anglais plus ou moins sympathique, match de foot sur écrans plats, musique pop-folk à fond et gros nuage de fumée de cigarette stagnante à l'horizon. Le truc que t’as l’impression que ça te colle, que ça te suit partout.
Les gens parlent bruyamment. C’est d’ailleurs fou ça, dans ces bars les gens passent toujours toute leur soirée à discuter sans arrêt 3, 4, 5 heures… : comment font ils ? Qu’ont-ils de si important à dire pour se tenir le crachoir aussi longtemps ? J’en sais foutre que dalle. Et puis je m’en branle sévère.
Je sais pas, ils doivent sûrement être très proches. Mais j’y crois pas trop.

Quand je rentre à l’intérieur je mets un peu de temps à retrouver mon groupe, instant de stressante incertitude, mais je le repère assez rapidement. Les gens me disent à peine bonjour en me voyant arriver mais ça ne m’étonne pas plus que ça. Heureusement Jon, le gars que je connais le plus ici, est déjà arrivé. Il discute avec deux gonzesses plutôt pas mal. Je les avais déjà aperçues à l’école mais j’avais pas encore eu l’occasion de les rencontrer. Je m’avance vers le trio et dès qu’il m’aperçoit mon pote lève grand les bras pour m’accueillir : la soirée commence plutôt bien, je vais pouvoir m’incruster dans la discussion sans avoir trop l’air de taper l’amitié.
« Tient le voilà ! Passé de bonnes vacances mon gars ?
- Oui bien, et toi ?
- Moi bien aussi. Tiens je te présente humm…
- Sarah » dit Sarah en me regardant de façon souriante
« Clara » dit Clara plus platement.
« Je m’excuse de perturber la conversation. De quoi parliez vous ?
- Oh de pas grand-chose. De ce qui se faisait en ce moment dans l’école, de la prochaine soirée etc…
- Ouais je vois.
- Aller assis toi »

Jon est assis entre les deux filles. Il m’invite à m’asseoir entre Sarah et lui. J’ai pigé le truc.
Pendant qu’il entame une autre conversation avec Clara, je fais de même avec la fille qui s’appelle donc Sarah. En l’espace de quelques minutes, je suis passé d’une petite galère en bagnole à une bonne position de drague. J’ai connu entrée en matière plus difficile. Autant en profiter puisque j’ai l’air d’avoir de la chance sur ce coup-là.
Sarah n’est pas très grande, un peu ronde, mais elle a un visage assez intéressant et son sourire me donne l’impression que je suis un garçon tout à fait charmant. J’ai donc envie d’en savoir plus :
« T’es en quelle année ?
- Première.
- Et toi ?
- Deuxième.
- Alors tu penses quoi de l’école après 6 mois ?
- C’est sympa, y’a souvent des trucs d’organisés, je m’amuse bien. Les gens sont plutôt cools.
- Tu viens d’où ?
- Paris.
- Et toi ?
- Paris.
- C’est la première fois que je te vois. Tu vas souvent aux soirées ?
- Oui, oui j’y vais. C’est sur que je suis pas toujours là, j’ai quand même une vie sociale en dehors de l’école, mais j’en suis quand même régulièrement.
- L’ambiance est vraiment super dans ces soirées, mais je préfère quand y’a mon copain.
- Ah oui. » (acquiescement benêt)

Je me suis emballé trop vite. Elle a glissé rapidement qu’elle avait un copain. Ça aurait été trop beau. Que ce soit vrai ou pas de toute façon le message est clair : ça va pas être possible.
Mais putain je suis pas assez médiatique ou quoi ? « Tu vas souvent aux soirées ? » J’y vais tout le temps connasse ! C’est sûr je suis pas très bavard mais je suis pas transparent non plus bordel. Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ? Faut que je sois connu par tout le monde, catalogué comme mec cool, que je comprenne les femmes et sache disserter avec elles sur le sens de la vie ? Décidément je crois que vraiment, va falloir que je me la pète un peu plus que ça pour me faire remarquer. Non ça y est j’y suis : elle était peut être tout simplement trop belle pour moi. C’est bien possible. En tout cas c’est pas mon verbiage qui l’aura fait changé d’avis.

Sur cette réflexion fort négative, je me dis seulement que c’est qu’une pétasse qui mouille devant Brad Pitt et qui se croit suffisamment séduisante et intelligente pour arriver à sortir avec un mec d’un autre niveau que moi.
Je fais mine de m’excuser un peu promptement en prétextant un quelconque ami à aller voir et je la plante là, à côté de Jon et Clara qui se roulent déjà une pelle monumentale depuis près de 10 minutes. Tiens vas y maintenant démerde toi avec ça pauvre conne.
Je rejoins alors les gars du Bureau Des Sports qui en tiennent en général une bonne, spécialement les rugbymen. J’ai pas trop le même style qu’eux mais l’alcool cimente l’amitié puisqu’ils m’invitent à prendre un verre. Et puis, depuis la soirée de Noël où ils m’ont vu prendre une putain de cuite ils commencent à me considérer comme l’un des leurs.
Dès lors, je reste au comptoir à boire et taper la discute avec ces mecs là. Et je me marre bien. Je passe un bon moment et oublie complètement ma pitoyable drague avortée de début de soirée.

3h : je commence à être dans un sale état, pas à en dégueuler mais bien fait quand même. Je quitte le bar un peu avant les rugbymen, en compagnie d’autres connaissances. Je fais un bout de chemin avec ce petit groupe puis lui dit au revoir vu que j’ai ma voiture là en face, de l’autre côté de la rue. Je vais prendre la route complètement bourré mais visiblement j’en ai (et on en a) rien à foutre, ou on fait de mine de rien voir parce que ça ferait bien chier de me venir en aide. Quoi qu’il en soit, voilà que je démarre, arrive à sortir de ma place je sais pas trop comment, puis grille le premier feu 100 mètres plus loin sans le faire exprès. Par chance, le carrefour était désert. Ni voiture ni poulet à l’horizon. Je m’en sors bien. Du coup, je roule plus doucement pour ne pas me faire remarquer et surtout essayer de ne pas bousiller bêtement ma caisse.
Finalement j’arrive à bon port sans encombre et m’affale directement sur mon lit après avoir péniblement refermé la porte derrière moi.

Demain est un autre jour qu’on dit.
Un autre jour certes, mais toujours avec la même gueule de bois au réveil.