22 février 2012

AD

J'arrive au travail, costume cravate, air distingué, et j'ai l'impression de jouer un rôle. Je me limite au strict minimum, j'ai le cerveau en mode 'corporate', pas un mot plus haut que l'autre, mieux vaut éviter de se faire remarquer. Rester dans les clous, ne pas déborder. Aquiescements polis, expressions modérées, regards neutres : tout semble être calculé pour me retenir, ne pas me trahir.

Je me contente de répondre sagement aux diverses sollicitations comme un automate et à ce moment précis je me demande si je suis réellement quelqu'un. Sérieux et précis, obéissant et appliqué, voilà ce que je suis, limite coincé.

En tant qu’ancien timide repenti, je compatis pour ceux qui le sont toujours. J'ai beau chercher partout, j'ai jamais vraiment compris pourquoi la timidité pouvait parfois être éliminatoire. Au contraire, ça serait plutôt la preuve d’une intelligence émotionnelle supérieure, un ressenti si fort qu'il te fait perdre tes moyens, t'empêche de respirer, de bouger, te tort les boyaux sans pouvoir rien faire.
Un mal, qui fait que t'es bien vivant.
On sous-estime souvent, à tort, le potentiel des timides. A long terme les timides sont toujours de bonnes surprises et peuvent révéler une richesse intérieure insoupçonnée au fur et à mesure qu’on les connait. Il faut juste savoir être patient, prendre le temps, les découvrir peu à peu, alors que nous sans s’en rendre compte on a toujours tendance à tout vouloir tout de suite. Et on passe à côté.

Ceci était un message de la ligue de protection des timides.

14 février 2012

INVERSION - FSTV

1 an et 3 mois que je bosse dans la planque ultime. Dieu sait si j'ai bien galéré pendant un an pour y arriver mais on peut dire que je suis chanceux : des horaires flexibles, des collègues sympas, un salaire plus que correct pour un début... objectivement, y'a pire comme conditions de travail.

D'une manière générale, avec le recul tout ça, on pourrait même dire que j'ai eu de la chance dans la vie. Un milieu aisé, des études réussies, une pas trop sale gueule... en gros y'aurait pas trop à se plaindre, y'aurait même à la fermer histoire d'avoir un peu de décence.

Pourtant, parfois je ne souhaite ma vie à personne. Je jette un coup d'oeil par la fenêtre, et je me sens impuissant. J'ai l'impression d'assister à un viol collectif en bas de ma rue sans pouvoir intervenir ni même faire le 17, de gesticuler comme un malade derrière ma vitre sans pouvoir perturber le cours des choses.
Ma vie est une succession de rendez-vous manqués, d'occasions loupées, d'égarements accumulés. De regrets. Ma vie est une succession de peurs : peur de l'échec, peur de m'emmerder, peur de ne pas plaire, peur de passer pour un con, peur d'être sapé comme un plouc, peur de perdre ce que j'ai, peur de gaspiller ma jeunesse, peur d'être moins bien que l'autre...

Comme tout le monde, il m'arrive d'avoir des joies et des déceptions, mais les déceptions sont toujours les plus fortes. Elles semblent piétiner toute la confiance durement acquise au fil du temps et lui pisser dessus sans même tirer la chasse. Les déceptions sont des morsures qui laissent un creux sur tes épaules. Des marques indélébiles. Des ongles retournés. Des morceaux de scotch collés aux lèvres.
J'en viendrais presque à envier ceux qui ne ressentent rien. C'est peut-être con, mais à défaut de se faire du bien eux ne se font jamais de mal. Ce doit être le bonheur.

Je ne sais pas pourquoi, les rares fois où j'ai rencontré une fille qui me plaisait, je me suis toujours pris une grande claque.
Je dois l'avoir mérité.

"Tu es quelqu'un de bien, tu mérites de trouver quelqu'un qui te corresponde, et tu trouveras forcément j'en suis sûre."
Paris, le 17 juin 2008

5 février 2012

MULTI-PACS

Je suis rentré chez elle parce qu’elle l’avait sûrement décidé, entre l’espoir et l’incertitude. J’ai posé mes affaires dans un coin, je l’ai laissé refermer délicatement la porte, puis je me suis installé là où elle m’avait indiqué. J’ai attendu qu’elle revienne en examinant l’endroit mais je n’y rien ai trouvé de très intéressant alors j’ai arrêté d’examiner. Elle a fini par réapparaître et m’a tendu un verre qui ressemblait à du rhum mélangé à quelque chose d'autre difficilement identifiable. Je l'ai bu sans trop me poser de questions.

Sa bouche était grande et riait lorsqu’elle parlait un peu trop vite, comme un rictus naturel, mais ses yeux brillaient un peu trop pour être authentiques alors cela n’enlevait rien à son air superficiel. J’ai fini par abréger la conversation en prétextant un cheveu égaré sur son visage, j’ai relevé sa tête, puis j’ai collé ses lèvres contre les miennes. Elle n’a rien dit. Elle avait dû être surprise. Elle n’avait pas dû imaginer que derrière cet air timide j’oserais agir de la sorte. Et pourtant. Elle n’a pas semblé m’en tenir rigueur.
Elle m’a même laissé faire bien d’autres choses.

J’aurais tant aimé qu’il en soit ainsi.

« L’indépassable philosophie de notre temps est contenue dans le Pac-Man : peut-être parce qu’il offre la plus parfaite métaphore graphique de la condition humaine. Il représente à leur juste dose les rapports de forces entre l’individu et l’environnement.
Il nous annonce sobrement que s’il y a quelque honneur à livrer le plus grand nombre d’assauts victorieux, au bout du compte, ça finit toujours mal. »