10 avril 2014

REC.

"Dis, tu viendras ?" Me disait-elle parfois, à travers le son synthétique d'un téléphone bon marché. J'arrêtais de respirer, je marchais droit devant moi puis je répondais oui d'une voix un peu faible.

Parfois j'attendais une heure ou deux, je savais plus si je devais appeler ou pas, puis elle arrivait d'un coup sans rien dire. D'un coup, comme si c'était normal.
Elle posait sa veste dans un coin et baissait les yeux jusqu'à ce qu'elle sorte ce qu'il fallait de son sac en cuir vert usé. Je la regardais faire puis ça allait, puis on se regardait. Oh fallait pas que ça bouge, fallait juste sentir sa peau s'enfoncer, sentir son souffle coupé, son odeur fanée, repartir en arrière et fuir toutes ses pensées.

Parfois, on oubliait qui on était, on frottait nos vieilles carcasses l'une contre l'autre comme pour se réchauffer, puis on se laissait tomber par terre en répétant les mots qu'on avait cru entendre ou qu'on aurait voulu prononcer. On abandonnait tout ce qu'il nous restait et on essayait d'aimer.

On en avait marre puis quelques jours après on craquait. C'est sûr qu'on fuyait. Je voulais que ça cesse mais j'aurais tout fait pour arrêter.

Caresser son corps, mordre son épaule, écorcher ses lèvres, s'en aller.

J'ai tout perdu.

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