6 avril 2010

SANS

Longtemps que je n'étais pas rentré chez moi. Trop. Je me sens de plus en plus un étranger dans mon propre village. Celui où j'ai pourtant grandi, celui où j'ai pleuré dans les jupes de ma mère pour ne pas aller à l'école, celui où j'ai fumé ma première clope avec les copains, celui où j'ai embrassé ma première fille dans les coins.
Les lieux sont devenus anonymes, les rues vides, les gens différents, les souvenirs lointains. L'impression de basculer dans une autre dimension, d'avoir vécu là dans un autre vie, d'y avoir été transporté dans l'oubli.

Je tombe sur ces photos de classe et un long sentiment de nostalgie s'empare de moi, le coeur se serre à m'en étouffer la gorge, me noue littéralement les tripes. Tous ces visages me semblent amicaux, ils me sourient à travers les années, ils font des doigts au présent. Je gomme le passé et ne retiens que les moments heureux. Les humiliations, les hontes, les ressentiments, je les ai envoyé se faire foutre. Le temps efface tout, c'est la censure, le comité de contrôle du souvenir, il te refait une virginité mémorielle.

On était si bien, tout était si simple, si cool, si tranquille. La bonté de l'ignorance, la joie de l'enfance. J'en chialerais presque.
Je me réinvente mon adolescence le temps d'un soir. Je me refais mes films. Ce que j'aurais aimé pouvoir faire alors. La première pelle glamour que je n'ai pas roulée, la première copine du lycée que je n'ai pas eue, la première fois mineur que je n'ai pas faite, la première ptite copine que je n'ai pas présenté à mes parents, la première lueur de fierté masculine que j'ai pas vue dans les yeux de mon père...


Il y a quelques temps de cela, je me suis enfoncé comme jamais, je n'arrivais pas à chopper de travail ni de nana et je focalisais sur tout ce que j'avais foiré. J'avais l'impression que ma vie n'avait été qu'une succession de rendez-vous manqués, de possibilités non exploitées, de manques de volonté. J'avais surtout le sentiment de n'avoir réussi qu'une seule chose, mes études, et d'avoir sacrifié une partie de ma jeunesse pour ça.

Je n'avais en fait rien sacrifié : je n'avais fait que suivre ma destinée, celle de m'éloigner des femmes au fur et à mesure que je m'acharnais à m'approcher de la réussite des Hommes.

4 commentaires:

  1. Mais chéri, on s'en fout, on se marie t'as oublié?!

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  2. C'est vrai j'avais oublié, tu me files ton 06 ?

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  3. Ah mais quand tu veux!

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  4. "Les études ça sert à voir du pays disait Balavoine, regardez où ça l'a mené."

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