25 janvier 2010

EN VRAC...

Tout ce qui suit, ce ne sont que quelques lignes jetées au hasard par un petit con sur un doc word une nuit d’hiver.
Comme la plupart des gens, je n’ai baigné dans aucun mouvement artistique. Je suis un inculte de naissance. Je ne connais pas la musique, je ne sais pas dessiner, ni danser. Mais je connais les mots et l’art de les dire. Alors je vais essayer de les écrire.

1

Des fois, je me dis qu’il y a quelque chose qui a dû bugué quelque part. J’habite un des plus beaux endroits de Paris et je gagne pas une thune. Je suis en quelque sorte une erreur de la banque en votre faveur qui serait passée à la trappe, un gars à qui on aurait refilé la mauvaise clef sans s’en apercevoir, un mendiant qui boufferait à l’œil tous les jours au Ritz . C’est pas possible, un jour je vais me réveiller de ce rêve étrange et me retrouver chez mes parents à la veille du Bac.
Mais non je suis là, je me ballade dans la rue tranquillement, et je sens qu’un monde me sépare de tous ces gens. J’ai l’impression d’être tout à fait distant. D’y être, sans y être réellement.

Pour ceux qui n’ont pas le choix, Paris peut être la plus affreuse chose qui soit. Paris peut broyer les âmes et les vider de leur substance. Elle rassemble toute la misère de France. On le sait, c’est écrit, placardé avant qu’on y entre.
Quand on vient de province on sait à quoi s’attendre, alors on prend ses précautions. Mais ce qu’on sait moins, pour ceux qui sont du bon côté, les petits malins qui pensaient y être suffisamment préparés, c’est que Paris peut aussi agir comme un piège qui se referme lentement mais surement. Plus le temps passe et plus on oublie comment on en sort. On oublie même qu’on n’y a pas toujours vécu.
Un piège bien vicieux, qui vous tient bien serré, qui ne veut plus vous lâcher.

Pour l’instant ce piège a la forme d’une collocation bien organisée où j’évolue entre un trentenaire exalté et une jeune belge un peu coincée. L’un passe ses journées à bosser quand l’autre alterne cours de droit et séances d’UV. Tous les deux sont plutôt cools dans leur genre, souriants, faciles d’accès, disponibles pour discuter, prêts à aider. Parfois parfaits. On a l'air de s’entendre et on en est les premiers étonnés. Mais tous les deux ont aussi une arme infaillible pour me faire chier : s'envoyer en l'air quand je suis dans la pièce à côté.

Y’a pas à dire, ça peut lasser.

2

Hier j’ai définitivement arrêté la cigarette, sans jamais vraiment l’avoir commencée.
Faut dire qu’à la base je ne suis pas un fumeur, j’étais même un vrai sportif en mon temps. Celui qui fait rêver les ménagères, un esprit sain dans un corps sain qu'ils disent. Bosseur, appliqué, voir attentionné. Moyennement doué mais raison de plus pour persévérer.

Aussi loin que je m'en souvienne, j’ai toujours joué au foot. Jeune et encore plus con, je ne manquais presque aucun entraînement.
Le club où j’allais était tenu par des vrais bras cassés mais mon sérieux était apprécié par rapport à ceux qui venaient surtout pour déconner. On se débrouillait quand même correctement et les années où l'entraîneur était de qualité on pouvait même se targuer de pas être mauvais.

Je me souviens de ce coach que j’ai eu dans les dernières années.
La cinquantaine bien tassée, aimable, un peu particulier, mais un vrai passionné. Le gars ne payait pas de mine avec sa vieille Polo déglinguée et son survet troué. Mais le gars, entrainer, c’était sa seule passion en dehors de son métier. Ses entraînements ressemblaient d’ailleurs plus à des sessions de professionnels qu’à ceux d’une petite équipe de district.
Au début, ça nous faisait doucement rigoler ses prises de poux, sa bouteille d’eau qu’on devait s’enfiler avant chaque match et autres manies à adopter mais faut dire qu'avec lui on avait jamais aussi bien joué. Et on a plus jamais aussi bien joué.

Un jour, un mec venu de nulle part, un pote du président je crois, a débarqué et voulait tout diriger. « Manager sportif » qu’il s’était nommé. Il a décidé que désormais ce serait lui qui nous entraînerait et a jeté notre entraîneur comme on jette à la poubelle les affaires laissées là par les anciens locataires quand on emménage dans un nouvel appart.

Moi comme tous les autres, j’avais fermé ma gueule, ou plutôt vainement tenté de l’ouvrir, je manquais de charisme et surtout de bonne volonté. J’avais préféré regarder à côté.

De toute façon l’année d’après je partais alors je m’en foutais.

Mais je reviens à la cigarette. Justement à 20 ans passés, sur le tard, que je l'ai essayée. Une fois que je m’ennuyais entre deux cours mal casés, je m’en étais fourré une dans la bouche et dans le reflet de cette vitre trop sale j’avais trouvé que ça avait quand même de la gueule, ce petit côté James Dean.
A partir de ce jour là je m’étais fixé pour objectif de devenir un fumeur, un vrai. Mais à ma façon. J’avais décrété que mes cigarettes devaient être entièrement blanches, comme dans les films des années 50, comme dans le passé. Après avoir passé en revu presque toutes les marques existantes, mon choix s’était porté sur les Davidoffs qui, plus longues, faisaient d’autant plus raffinées.
Face au miroir de la salle de bain j’avais épuisé presque toutes les mimiques possibles et imaginables et à force j’en avais trouvé une qui me convenait à peu près. J’étais fin près. J’avais décidé de fumer comme on commence un régime bio, avant tout pour l’apparence. Dans les deux cas, les mauvaises causes entraînent généralement les mauvaises conséquences.
Avec ma cigarette péniblement allumée et mon assurance mal assurée, j’avais plus l’air d’un premier de la classe surpris en train de fumer dans les chiottes du lycée que d’un Gainsbarre en puissance. Je le savais mais néanmoins je persévérai, enfin jusqu’à ce qu’un jour je finisse par reprendre le sport là où je l’avais laissé.

J’ai donc aussi facilement arrêté que j’avais difficilement commencé. Faut dire qu’à 2 cigarettes par jour, il en aurait fallu plus pour s’accommoder.

J’ai donc repris le sport, mais je ne me souviens plus très bien pourquoi. J’avais dû laisser parler mon instinct. Enfin je crois.
En cette période de fausse recherche d’emploi, au lieu de passer son temps à se branler, ou accessoirement à écrire, autant soigner les apparences. L’inactivité dérange qui parait, à ce qu'on dit.

Une salle de gym parisienne, on s’en tire pas à moins de 500€ l’année. Alors quand on décide de s’y inscrire on a intérêt d’y aller. Surtout quand on a pas le fric pour se la payer.

A l’intérieur, le monde se divise en deux catégories : ceux qui tentent de prendre du poids et ceux qui veulent à tout prix en perdre.
Les premiers cités font un aller direct vers les machines à gonflette, on les repère à leur silhouette, qui me ferait plutôt penser à celle d’un beauf : plutôt râblais, le coup épais, les cheveux rasés, des muscles saillants sous un t-shirt trop court, un tatouage tribal. La panoplie du parfait mâle. Quand ils ont chargé la mule au maximum, on les entend faire de petits bruits rauques, semblables à ceux d’un acteur porno en train de jouir. Parfois les yeux leurs sortent même littéralement des orbites tellement ils semblent forcer, mais ça a plutôt l’air de porter ses fruits puisqu’ils ont autant de muscles que je n’en aurai jamais. Ce qui ne les empêche pas de passer leur temps à se mater dans le miroir pour être sûr que tout s'est pas barré. 25 – 30 ans c’est souvent leur âge, après je ne pourrais pas dire pas dire pour leur métier, mais tout ce que je peux voir, c’est qu’ils sont là à 17h tous les soirs.
L’autre catégorie regroupe surtout les nanas qui se trouvent toujours trop grosses. On les retrouve essentiellement sur les appareils de type cardio (tapis roulants, vélos, steppers). Elles peuvent y rester des heures entières sur un rythme léger, un bouquin à la main, ou des écouteurs d’Ipod Shuffle coincés dans les oreilles, intégralement coupées du monde extérieur, totalement hermétiques à toute tentative fortuite de communication. D’ailleurs ça peut se comprendre elles ne sont pas là pour ça, mais elles sont quand même pas mal de leur genre ; les gros musclés eux prennent au moins le temps de discuter, et même de se marrer, alors qu’elles on a l’impression qu’elles font leur séance comme elles prennent les transports en commun. Ebauches fidèles de la cadre trentenaire prenant soin de soi, elles y sont en même temps obligées dans une période où, si ce n’est pas déjà fait, leur horloge biologique leur rappelle chaque matin qu’il faudrait qu’elles se trouvent quelqu’un pour se faire faire un gamin.
Et puis il y a le reste, tout cette masse inerte qui n’est ni l’un ni l’autre, ou peut être les deux à la fois. Qui tente de faire travailler aussi bien son cœur que ses muscles, qui utilise toutes les machines de la salle car après tout elles sont faites pour ça. Ils sont là, ces soldats de l’ordinaire, tiraillés entre deux groupes, deux univers, et semblent des étrangers aussi bien pour l’un que pour l’autre.
Moi, avec mes 60 kg tous mouillés et ma barbe mal rasée, je suis trop gringalet pour ces messieurs gonflés, et trop testostéroné pour ces demoiselles élancées.

Dans les deux cas, je ne suis pas assez épilé.

3

Là maintenant je voudrais vous parler plus longuement de mon enfance mais mes souvenirs, bien que récents, s’amusent à se jouer de moi. J’ai la mémoire jeune mais sélective alors il m’arrive souvent de ne retenir que l’illusoire et d’aller se faire foutre l’important.

Qui dit souvenir d’enfance, dit souvent souvenir de vacances. Et là ce qui me revient en tête c’est finalement la fois où je m’étais retrouvé dans un château en visite guidée avec une vraie bombe atomique ayant à peu près mon âge. C’était suffisamment rare pour être excessivement souligné. En général, ce genre d'activité sent plus la naphtaline que les bouffées d'oestrogènes.

Elle avait donc mon âge, une quinzaine d'années, l’âge où on a une tonne d’hormones en ébullition. L’âge où le désir sexuel n’a jamais été aussi grand, et les possibilités de l’assouvir aussi faibles.
Avec ses petites lunettes carrées, son tailleur noir, ses longs cheveux noirs, et ses jambes plus longues encore, elle ressemblait à ces jeunes lycéennes innocentes qu'on voit dans les Hentaï et moi je m’imaginais déjà en train de la prendre en levrette dans l'aile François 1er.
J’étais en nage, je commençais à suer comme un porc, c’était très gênant. Elle s’en était d’ailleurs aperçue et je ne savais plus trop où me mettre. Je commençais sérieusement à me durcir et une petite bosse dépassait de mon short, traduisant un certain état d’excitation. Ni une ni deux, réflexe de survie, je partis fissa aux toilettes me soulager un bon coup. Et je loupai une bonne partie de la visite.

J’en plaisante encore aujourd’hui mais à l’époque ça ne m’avait pas forcément fait rire, on était en pleine explication de l’assassinat du duc de Guise.

5 commentaires:

  1. C'est autobiographique, inventé, ou un peu des 2 ?
    Toujours aussi plaisant à lire en tout cas.

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  2. Juste pour dire, c'est très bien écrit. Vraiment.
    A tel point que j'ai tout lu (et c'est long), ce qui ne m'arrive que très rarement sur le net.
    Merci, donc.

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  3. Le réel et le virtuel sont parfois tellement mélangés que, moi même, je m'y perds un peu.

    Merci surtout d'aimer, puisque c'est ça l'essentiel...

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  4. Sympas ces tranches de vie. On s'y retrouve toujours un peu. Quel que soit notre âge.

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  5. j'aime comme tout s'enchaine sans qu'on s'en aperçoivent, on ne sais pas où tu vas mais on a envie de te suivre et de faire pareille, les tranches de vie remontent parfois à la surface, et j'aime penser que ce n'est jamais par hasard.

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